QUALITE DES RESEAUX ET DISPONIBILITE DES BORNES
Inutile de le nier, mêmes si des améliorations sont en cours, c'est le principal point noir qui pourrait décourager celui qui hésite à sauter le pas.
Très en retard dans le déploiement des infrastructures de recharge et faute d’un encadrement précis en la matière, la France a laissé chaque collectivité se débrouiller pour faire au mieux. On a donc assisté à une certaine anarchie dans l’installation des bornes, que ce soit en matière de type, de puissance ou de qualité des bornes.
Dans l’absolu, un coup d’œil rapide sur le nombre de bornes installées sur le territoire (via Chargemap par exemple) pourrait laisser croire que la France est aussi bien équipée que ses voisins européens.
Dans le détail, un bilan très mitigé.
En effet, l’absence de planification et de directives claires, a entrainé la multiplication des «petits» réseaux indépendants, dont le système de gestion des bornes est difficilement compatible. Pour l’utilisateur, cela s’est traduit par la nécessité de posséder un grand nombre de cartes d’accès pour être à peu près certain d’accéder au maximum de bornes.
De plus, ce «laisser-faire» ainsi que le coût des installations pour les collectivités, ont favorisé l’installation de bornes dont le type n’est pas toujours en phase avec le besoin des utilisateurs. Le faible nombre de bornes DC par rapport aux bornes AC est symptomatique. Or, s’il n’est pas question de remettre en cause l’existence d'un réseau dense de bornes AC, on a vu plus haut que seules les bornes DC sont adaptées à la réalisation d’un voyage dans des conditions permettant de réellement concurrencer la facilité de ravitaillement des V.T. La démocratisation du V.E passe inévitablement par le déploiement d'un réseau de bornes DC beaucoup plus dense.
Plus grave et même si leur bonne volonté n’est pas en cause, l’absence de directives et surtout l’absence de normes de qualité ont conduit les collectivités à choisir des prestataires différents dont la qualité des produits est parfois aléatoire. De plus, en l’absence d’un schéma général de financement des infrastructures par les utilisateurs (paiement de la recharge), l’entretien des bornes souffre souvent de graves lacunes. Sans compter que cet absence de schéma laisse les mains libres aux nouveaux opérateurs pour imposer des tarifs parfois prohibitifs (voir par exemple le cas de IONITY exposé plus haut).
Pour être honnête, même les plus "grands" prestataires ne sont pas à l'abri des errements constatés ici. La désastreuse aventure du réseau Corri-door d'Izivia, filiale d'EDF, est là pour le prouver. Aujourd’hui, l’immense majorité des 217 bornes est à l’arrêt et ne sera pas réparée.
Au bilan, l'absence de directives, l'absence de norme efficace et l'absence de réflexion sur le financement sont autant de défauts qui font qu’il n’est pas rare qu’un utilisateur tombe sur une borne en panne. Aujourd’hui, seul Chargemap tente d’indiquer sérieusement les bornes en panne, quel que soit le réseau. Mais le signalement des pannes reposant essentiellement sur la bonne volonté des utilisateurs, la fiabilité du renseignement est aléatoire.
Mais de sérieuses raisons d'espérer
Cette présentation plutôt sombre doit cependant être tempérée. Malgré tous les défauts listés ici, il reste aujourd'hui parfaitement possible de traverser la france en V.E sans risquer à tout moment la panne sèche. Encore faut-il préparer son voyage et en évitant de prévoir une arrivée avec 5% de batterie sur une borne isolée. Un minimum de prévison et quelques précautions en matière de solution de rechange (vérification de la présence d'autres bornes à proximité) sont donc indispensables. Cependant, il faut bien convenir que face à la démocratisation prévisible du V.E, la situation actuelle n'est pas tenable.
Les raisons d'espérer existent et la réussite de Tesla avec son réseau de bornes aussi performantes que fiables, démontre que l'on peut proposer un service efficace a un tarif correct.
Tout d’abord, le gouvernement français semble avoir décidé d'accélérer les choses en annonçant un ambitieux plan de financement des infrastructures de recharge.
Les collectivités semblent également avoir compris la nécessité de se coordonner et on assiste au regroupement de plusieurs opérateurs ainsi qu’au choix d’un système commun de gestion permettant de ne pas multiplier les cartes d’accès. Ceci n’a pas toujours été sans incidence sur la disponibilité des bornes car cette mise à niveau informatique s’est parfois passée dans la douleur.
Les constructeurs ont également compris qu’ils ne pourraient plus vendre des V.E sans proposer soit un réseau de bornes performantes et accessibles H24 dans les concessions, soit un partenariat permettant d’accéder à de grands réseaux avec un tarif « privilégié ». On suivra donc avec attention le résultat des initiatives telles que celles de VAG, Hyundai/Kia voire Mercedes qui ont investi dans IONITY par exemple.
Enfin, Total a annoncé son intention de construire un nouveau réseau de bornes, à l'exemple des bornes 50 et 175 kW DC en cours d'installation sur l'A50 près de Marseille. Nul doute qu'il sera suivi par d'autres pétroliers (Shell notamment) qui, face à l'essor de l'électromobilité ont bien compris qu'il existait un besoin, que ce besoin était en pleine expansion et qu’à moyen terme il était indispensable de compenser l'inévitable baisse de leurs ventes de carburants.
L'indispensable réflexion sur le financement des infrastuctures
Pour terminer ce chapitre sur les réseaux, il me semble qu'une réflexion est indispensable sur la question du financement des infrastructures et de la participation de l'utilisateur à ce financement.
Sans interdire à certaines enseignes de proposer des recharges gratuites, il parait inévitable que les utilisateurs paient au juste prix le service rendu. Les pionniers de l'électromobilité regretteront sans doute le temps béni de la recharge gratuite. Mais, le réalisme impose d'admettre que, dans un contexte de démocratisation du V.E, le modèle du "tout gratuit" est un frein au déploiement et surtout à l'entretien d'une infrastructure performante et adaptée à un nombre croissant des V.E. Le cas de Lidl, en pointe dans l'installation de bornes près de nombreux de ses magasins, est symptomatique. Si la gratuité de la première demi-heure de charge semble pour l'instant préservée, Lidl vient en effet de passer un contrat avec VIRTA, un prestataire mieux à même de gérer l'entretien des bornes et le futur (?) paiement des recharges.
Sous réserve d'un prix acceptable, le modèle du paiement au kWh consommé semble le plus adapté, tout comme un prix différencié pourrait être admis selon le type de borne AC ou DC utilisé. De plus, outre le nécessaire financement d'un réseau fiable et performant, le paiement par l'utilisateur est également une manière efficace de réguler le temps d'occupation des bornes et, en conséquence, d'assurer une certaine fluidité sur les espaces de recharge.