Publié le 22/12/2017
Début décembre 2017, le premier ministre annonçait qu'il était, à titre personnel, favorable à la baisse de la vitesse maximale à 80 km/h sur les "route bidirectionnelles sans séparateur central". Dans le même temps, le ministère de l'intérieur assurait qu'aucune décision n'était prise.
Cependant, malgré cette dernière déclaration rassurante, une indiscrétion permettait de savoir que, parallèlement, la Sécurité Routière était en train d'adresser aux Préfets, un document contenant les éléments de langage permettant de porter la bonne parole dans les régions....
Il semble donc bien que, malgré l'étonnante absence de publication des conclusions de l'expérimentation menée depuis juillet 2015, la décision ait été prise de généraliser l'abaissement de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les "route bidirectionnelles sans séparateur central".
Mis en ligne par le site "Moto-net.com", ce document, adressé aux préfectures, est consultable ici (cliquez sur l'image):
Sans surprise, la lecture du document confirme la position habituelle de la Sécurité Routière:
- La vitesse est la cause principale de la mortalité routière.
- Donc, l'abaissement de la vitesse maximale est la solution principale en matière de diminution de la mortalité routière.
Et tant pis si certains des arguments employés sont quelque peu biaisés, au mépris d'une notion pourtant primordiable dès que l'on veut faire diminuer le nombre de morts sur la route: L'honnêteté des argumentaires employés ! Honnêteté qui conditionne l'acceptabilité, par la population, des mesures prises en la matière.
Des arguments discutables et un bilan qui brille par son absence:
Par exemple, dès le début du document envoyé aux préfets, on peut lire que depuis 2014 la mortalité routière est repartie à la hausse avant de se stabiliser en 2016. Argument parfaitement exact mais qui oublie de préciser qu'en 2016, la mortalité routière concernant les véhicules à moteur est en baisse significative (-88) alors que l'augmentation totale constatée est due, en réalité, à l'augmentation massive du nombre de morts de la catégorie "piétons" (+90) et "cyclistes" (+10). Le détail des chiffres de la mortalité routière depuis 2009 est consultable ici
Autre point étonnant autant qu'irritant: L'absence de publication du bilan de l'éxpérimentation 80 km/h menée depuis 2015. Rappelons que c'était pourtant l'objectif affiché de cette expérimentation. Le document envoyé aux Préfets se contente en effet de survoler le sujet en parlant d'absence d'impact sur les ralentissements. On peut même y lire que cette expérimentation aurait du durer 5 ans pour être significative. Peut être pour expliquer que l'expérimentation n'ait pas eu d'impact sur le nombre de morts ?
Et pourtant, au risque de fausser le résultat, l'Etat n'avait pas hésité à investir 16 millions d'euros dans l'aménagement des tronçons sur lesquels l'expérimentation était menée ....
Dans son N° 1530, le magazine AutoPlus relève un autre argument discutable avancé par ce document. Il s'agit des chiffres de distances d'arrêt (la distance d'arrêt est égale à la distance parcourue pendant le temps de réaction du conducteur et pendant le freinage proprement dit). Le document envoyé aux préfets mentionne notamment des distances d'arrêt de 81 m (25 m + 56 m) à 90 km/h et de 169 m (36+133) à 130 km/h !
Ces chiffres ont pu être vrais il y a 30 ans mais n'ont pas de sens en 2017. Le magazine précise par exemple que sur un Duster, les distances de freinage à 90 et 130 sont de 33 et 64 m au lieu des 56 et 133 m annoncés! Soit environ deux fois moins....
Notons que le dossier de presse du CISR du 9 janvier 2018 semble avoir voulu corriger ces chiffres, tout en restant un peu trop pessimiste.
Autre" surprise" lue dans le document envoyé aux Préfets: On y lit la confirmation qu'en Allemagne, la vitesse maximale sur les axes secondaires est de 100 km/h mais qu'elle est également modulée à 80 km/h et 70 km/h lorsque l'état de la route l'impose.
Voilà une démarche qui semble relever du simple bon sens et qui semble parfaitement acceptable par la population !
Dès lors, on se demande ce qui empêche la France d'imiter sa voisine au lieu de privilégier une solution qui imposerait le 80 km/h quel que soit l'état de la route?
Conclusion provisoire sur cette décision qui reste encore à confirmer:
Favorable aux mesures intelligentes permettant de faire baisser la mortalité routière, je persiste à déplorer la méthodologie suivie par la Sécurité Routière française. Celle-ci me semble en effet beaucoup trop influencée par le lobbying de certaines associations dont on pourrait légitimement se poser la question de leur légitimité.
Car je reste persuadé qu'une politique efficace repose sur des argumentaires indiscutables et sur des décisions acceptables par ceux auxquels elle s'adressent.
Or, "l'imprécision" sur les chiffres de la mortalité routière, l'absence de bilan de l'expérimentation tout comme le refus de considérer les actions entreprises par les pays voisins, me semblent symptomatiques d'une mauvaise gouvernance, dans la mesure où elles démontrent que nos gouvernants nous jugent incapables de raisonnement ou de réflexion.
Dès lors, comment s'étonner qu'une part grandissante de nos concitoyens s'estime autorisée à prendre des libertés avec la loi?