14 juin.
Après cette étape quasi paradisiaque à Shiraz, le circuit prévoit de nous emmèner en plusieurs étapes vers le golfe persique via Bastak, avant de nous faire remonter le long de la côte en direction de Parsian, Khormoj et enfin Kazerun. Non, vous ne rêvez pas, nous partons pour un périple de 4 jours et près de 1200 km qui, par une large boucle, va nous ramener à peine à 120 km à l'ouest de Shiraz. ;-))
Rien d'anormal, souvenez-vous Jef tenait à voir le golfe persique et avait repéré un circuit sympa le long de la côte à partir de Bandar-e-Lengeh.
Nous entamons donc notre descente vers Bastak depuis Shiraz. Rien de bien difficile donc... Sur le papier du moins...
Première difficulté: La température atteint 46 degrés puis dépasse 48 degrés. Finalement, le désert de Luth n'avait rien d'extraordinaire.
Mais ce ne sont ni la chaleur ni les méandres de la route traversant des décors splendides qui ont été les plus difficiles à supporter. Le plus pénible, cela a été..... les contrôles de police.
Ici, difficile d'échapper à un contrôle puisque la police dispose le long des routes d'infrastructures, légères ou dures, tous les 150 km environ.
A l'approche de ces zones la vitesse est limitée à 20 km/h. Et même si les forces de police n'y sont pas en permanence, des gendarmes couchés de format éléphantesque sont là pour dissuader quiconque d'accélérer....
Bref, nous avons été contrôlés 3 fois!!! Et j'ai en plus eu le droit, le soir, à la visite d'un policier à l'hôtel.
A chaque fois c'est la même chose: Contrôle des passeports, questions sur notre présence, coups de téléphone interminables puis on nous "relâche". Finalement, entre la chaleur et le temps perdu, nous avons mis le cap sur Jahrom pour y passer la nuit.
15 juin
Aujourd'hui nous avons eu droit à une variante de notre "aventure policière" de Damghan. Une voiture de flics nous croise puis fait demi-tour pour venir nous stopper (coup classique que l'on sent venir désormais). Passeports, palabres puis on fait quelques centaines de mètres vers ce qui leur sert du bureau. Au bout de 45 minutes de coups de téléphone et de questions, on nous prie de suivre la voiture de police jusqu'à Bastak, ville de moyenne importance située à environ 40 km.
Coup de chance c'est sur notre route et c'était même l'objectif initial d'hier !
A Bastak on nous conduit dans un casernement re-contrôle de passeports, re-questions, re, re etc. Je crois comprendre que notre interlocuteur, qui parle suffisamment l'anglais pour impressionner ses subordonnés mais qui est incapable de faire une phrase compréhensible, est chargé de s'assurer que nous irons bien à Bandar-e-Lenghe.
Enfin, au bout de 40 minutes, on nous déclare que nous allons être escortés vers Bandar-e-Lenghe. Nous refusons et déclarons qu'il est trop tard pour continuer et que nous souhaitons trouver un hôtel ici même, à Bastak. Notre interlocuteur nous escorte jusqu'à l'hôtel qu'il a dû lui-même trouver (hé, hé...). En prime, il me confirme qu'il est chargé de nous escorter demain depuis l'hôtel vers Bandar-e-Lenghe.
16 juin
Nous quittons Bastak précédés d'une voiture de police qui nous laisse à la sortie de la ville. Est-ce la joie d'être enfin tranquilles, toujours est-il que quelques kilomètres plus loin, Béa chute lourdement sur un de ces gendarmes couchés qui jalonnent la route.
Quelques dégâts sur les valises de la moto, mais surtout, plus ennuyeux, Béa s’est fait mal et souffre elle aussi des côtes. Le temps de se remettre et de réparer les petits dégâts, nous reprenons la route en direction du Golfe Persique. En route nous retrouvons nos anges gardiens policiers qui nous suivent en voiture. Ils nous abandonnent enfin alors que nous faisons un (trop?) long arrêt dans une station-service. Finalement nous raccourcirons un peu notre trajet en évitant Bandar-e-Lenghe pour obliquer directement sur Bandar-e-Charak plus à l'ouest.
Si les paysages que nous traversons sont magnifiques, c’est sous une chaleur frôlant les 50 degrés et difficile à supporter que nous arrivons à Bandar-e-Charak. Heureusement, à quelques centaines de mètres de la mer, la température baisse de près de 10 degrés. Fatigués mais soulagés par cette relative fraicheur, nous faisons halte sur la jetée en face de la Mer.
Nous déjeunons donc face au Golfe Persique tout près de l'itinéraire que Jef avait repéré sur Internet pour ses paysages splendides.
Cependant, après s’être renseigné auprès d’un automobiliste de passage, Jef estime que le tracé qu'il avait repéré est trop difficile et décide d’annuler cette partie. Il propose de rebrousser chemin pour reprendre la voie rapide vers le nord-ouest. Autrement-dit, nous abandonnons le bord de mer et ses températures plus clémentes, pour revenir à l’intérieur des terres. C’était bien la peine d’insister pour venir jusqu’au Golfe Persique. Au moins l’aura-t-on vu le temps d’avaler notre sandwich…
Comme il fallait s’y attendre, nous retrouvons la fournaise dès que nous nous éloignons de la mer. En raison des conséquences de sa chute matinale, Béa est à la peine.
Accablés par la chaleur et la fatigue, nous raccourcissons drastiquement notre trajet pour faire halte à Parsian (Parsyan) et y passer la nuit.
17 juin
Afin de bénéficier un peu de la fraicheur matinale, nous partons de Parsian à 6 heures du matin en direction de Bouchehr. Il fait quand même 27 degrés à cette heure-là. Une cinquantaine de kilomètres plus tard il fait déjà près de 45 degrés.
Nous roulons sur une voie rapide peu agréable dans la zone des usines pétrolières du pays. Parfois, un courant d'air brûlant dévale les reliefs sur notre droite pour nous submerger et faire encore grimper la température de plusieurs degrés en quelques secondes. Nous faisons des pauses de plus en plus rapprochées.
A 60 kilomètres du but, décision est prise de faire demi-tour pour rejoindre la ville de Khormoj que nous avions longée 10 km auparavant. Hélas, le seul hôtel existant est complet. Béa se réfugie dans le hall climatisé de l'hôtel pour reprendre des forces. Jef lui tient compagnie.
Alors que je me renseigne dans la rue, un jeune qui parle quelques mots d'anglais me conduit dans un garage automobile tout proche et me présente son père. Tant bien que mal, en anglais, j'explique la situation au jeune homme qui traduit à son tour à son père. Ce dernier me propose de laisser les motos dans sa concession automobile et de nous conduire en voiture dans son "garden" à quelques kilomètres d'ici où nous pourrons passer la nuit. Je rejoins mes compagnons pour leur expliquer et nous acceptons la proposition avec joie.
Nous abandonnons nos montures et sommes transportés en Peugeot 405 dans une sorte de résidence secondaire entourée de murs située non loin de la ville. Une grande pièce au sol recouvert de tapis est mise à notre disposition. Et il y a une climatisation! Ancienne et bruyante, mais en état de fonctionnement.... Nous passerons l'après-midi puis la nuit dans ce havre de paix non sans que j'aie, entre-temps, récupéré Kunigonde puisque j'y avais laissé toutes mes affaires.
18 juin:
Au petit matin, comme prévu, le père est présent pour raccompagner mes compagnons à leur moto. Il refuse le moindre dédommagement pour l'hébergement et nous souhaite bonne route. Nous remontons initialement vers le nord-ouest. La route est peu agréable, la présence policière est ostensible même si pour une fois on ne nous arrête pas. En raison de la chaleur, nous nous arrêtons toutes les 30 minutes. Malgré ça la progression est difficile. Une fois arrivé à Kazerun, par une température de 39 degrés, j'ai beaucoup de mal à trouver un hôtel. Mon GPS nous fait tourner en rond. Deux jeunes nous envoient vers un hôtel qui se révèle être une sorte de pension qui n'accepte pas les femmes...
C'est finalement un homme âgé, en mobylette, qui nous guidera à travers toute la ville jusqu'à l'hôtel Bishapour que je cherche depuis une heure. Une fois installés au frais, nous faisons le point en nous renseignant notamment sur les températures qui nous attendent (vive Internet). Jef propose de changer la suite du circuit prévu, qui nous imposerait de traverser des zones encore trop chaudes, pour remonter vers le nord où les hauts plateaux nous garantiraient une température plus clémente. Nous nous rangeons à son avis, la prochaine étape sera donc Semirom où, via Booking. com, je réserve un hébergement chez une dame qui semble charmante.
19 juin:
Le lendemain matin, nous partons en direction de Semirom. Le paysage redevient splendide, montagneux et nous retrouvons même de la verdure. La température est de nouveau supportable et nous profitons de nouveau pleinement de notre voyage, ce qui n'était plus le cas depuis quelques jours. Ce changement d'itinéraire était vraiment la bonne solution.
C'est alors que nous faisons une pause le long de la route, que Jef propose de nouveau un changement d'itinéraire qui, malgré les décisions arrêtées la veille, nous ramènerait vers des conditions de températures que nous avons eu tant de mal à supporter.
Alors qu'une discussion animée s'engage entre Jef et Béa, une voiture s'arrête à notre niveau. Deux hommes en civil en débarquent et me saluent d'un traditionnel "Welcome in Iran".
J'ai déjà compris!..
L'un d'eux annonce en effet "Police". S'ensuit alors une scène assez surréaliste. Pendant que mes deux compagnons continuent leur discussion animée, je fais celui qui ne comprend pas et je leur demande de me prouver qu'ils sont bien policiers. Décontenancés par ma réaction mais aussi par le fait que Jef et Béa continuent leur "discussion" sans leur accorder la moindre attention, ils fouillent dans leur voiture et me présentent des cartes d'identité, un talkie-walkie, un gyrophare et une paire de menottes. Ok, je n'insiste pas. J'interromps la discussion entre mes deux compagnons et nous nous soumettons de mauvaise grâce au contrôle. Cette fois-ci, nous aurons même droit à la fouille des bagages.
Après le départ des policiers, et puisque Jef semble s'être rangé aux arguments de Béa, nous continuons finalement en direction de Semirom. La route remonte vers le haut-plateau et les paysages sont splendides.
C'est lors d'une pause très animée près de Semirom que la séparation du groupe est décidée. C'est vrai que la crise entre Jef et moi couvait depuis quelques temps déjà.
Finalement, alors que lui et Béa restent à Semirom, je continue, seul, jusqu'à Ispahan.
Je ne peux m'empêcher d'éprouver un certain sentiment d'échec à la pensée que cette aventure commencée à trois se termine ainsi. J'en suis surtout désolé pour Béa qui n'y était pour rien et je m'en veux de "l'abandonner" ainsi. Heureusement, elle et moi resterons quotidiennement en contact par l'intermédiaire des réseaux sociaux jusqu'à notre retour.